Service Culturel

De la culture à l'université, même en temps de pandémie

La fin du mois de mai signe la période du retour des rendez-vous “en vrai” ! Mais à l’Université Rennes 2, la saison culturelle se termine et nous avons hâte d’ouvrir à nouveau nos portes pour retrouver notre public. Si, en coulisse, nous préparons la programmation de l’année à venir, nous souhaitons revenir sur l’engagement des étudiant·e·s dans la vie culturelle de notre établissement durant cette période inédite.

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L'équipe du festival étudiant Fac@Fac lors de la Semaine campus - Rentrée 2020

Particulièrement touché par la crise sanitaire, le monde de la culture n’a pas dit son dernier mot. De nombreux événements ont pu voir le jour grâce aux propositions et aux solutions mises en œuvre par de nombreux·ses acteur·rice·s. Il en va de même à l’université. Afin de poursuivre notre mission de transmission, de partage et d’ouverture vers la cité, l’accès aux arts et à la culture ont dû être repensés.

Bien que les campus soient resté fermés une grande partie de l’année, des initiatives artistiques, des jolis gestes, des propositions originales ont fleuri dans le souci de maintenir une offre culturelle accessible au plus grand nombre. Festivals, expositions, conférences, projections… autant de rendez-vous qui n’auraient pu voir le jour sans la détermination de la communauté universitaire. Nous avons pu nous enthousiasmer devant la capacité d’adaptation des formations et du monde associatif étudiant qui ont su faire évoluer la création et la diffusion des œuvres et des pratiques.

Ainsi, nous vous proposons de découvrir le récit et les expériences d’étudiant·e·s qui ont contribué à faire vivre la culture à l’université dans un contexte difficile. Quelles adaptations a connu leur activité culturelle ? Quel bilan font-ils·elles de cette année écoulée ? Comment ces pratiques ont-elles influé sur leur quotidien ?

Garder le lien

Difficile d’organiser un événement dans un contexte sanitaire qui paralyse la moindre initiative. Pourtant, de nombreuses associations sont parvenues à composer avec la situation afin de garder le lien avec leurs publics. Certaines ont fait le choix du tout numérique.

Léna Rolland, responsable communication du festival Fac@Fac organisé par l’association En toute Complicité, revient sur cette 21ème édition complètement transformée : “De base Fac@Fac est un festival de 3 jours de danse inter-universitaire, qui se déroule principalement au Triangle, sur le mois de mars ou avril. Avec le contexte sanitaire, il a été impossible d’envisager ce format. C’est pourquoi l’équipe a choisi d’en créer un nouveau : Fac@Fac 2.0, un festival 100% digital.”

Étalé sur deux mois, le festival a proposé workshops, conférences, tables rondes et stage en ligne, toujours dans le but de promouvoir la danse et de la rendre accessible à toutes et tous. Bleuenn Tassé et Louise Josso, étudiantes et présidentes de l'association organisatrice, nous présentaient cette édition 2.0 en vidéo.


 

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Crédit visuel : Noémie Rivault

L’équipe du Ciné-Tambour  a elle aussi dû rapidement repenser sa programmation en proposant des séances virtuelles. Marion Drouault, membre des ateliers de programmation du ciné-club, raconte : “Le rendez-vous était lancé en ligne : nous nous sommes arrangés pour trouver les films qui étaient censés être projetés dans la salle du ciné-club, en streaming légal (via YouTube ou via la Médiathèque Numérique). Parfois, il nous était impossible de les trouver, nous cherchions donc des films semblables [...].”

Mais loin de la salle du Tambour, difficile de partager collectivement des émotions. Pour garder un lien concret avec le public, des “après séances” dirigées par les étudiant·e·s ont vu le jour sur la plateforme Twitch. Ces temps d’échanges furent un exercice inédit leur permettant de maintenir un dialogue autour des films proposés et de recevoir directement les retours des spectateur·rice·s. Pour Lucas Prost, étudiant en cinéma : “Faire vivre le Ciné-Tambour et recevoir les retours des spectateur·rice·s nous a vraiment fait plaisir. De mon côté, j'ai pu participer à une discussion avec Court-Métrange à C-Lab en partenariat avec le Ciné-Tambour, ça a été une superbe expérience.”

Contraints par les normes sanitaires et les jauges de visiteurs, les formations et associations organisatrices de projets d’exposition ont adopté quant à elles un format hybride lorsque le contexte le permettait.

Ainsi, malgré la fermeture au public de la Galerie Art & Essai, les étudiant·e·s du master Métiers & Arts de l’Exposition ont pu accueillir la communauté universitaire et les professionnel·le·s de la culture pour présenter leur exposition annuelle. Pour pallier l’impossibilité de recevoir des visiteurs extérieurs, iels ont réalisé une visite virtuelle. Elle permet d’apprécier les œuvres de la photographe Lynne Cohen, tout en donnant un aperçu des coulisses de cet événement. Une collecte de photographies a également été mise en place (#collectelynnecohen). Elle invitait les participant·e·s à s’inspirer du travail de l’artiste afin de réaliser leur propre photographie d’intérieur privé ou public dépourvu de toute présence humaine.


 

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Dans le cadre des Journées Portes Ouvertes et de la Semaine des arts, les étudiant·e·s du master Création Numérique ont également maintenu leurs expositions accessibles uniquement à un public réduit. Nécessaire à la recherche et à la création, ces temps permettent à chacun·e de développer sa pratique en condition réelle dans un des vastes champs artistiques dans lesquels intervient le numérique : algorithmes génératifs, musique assistée par ordinateur, réalité virtuelle, image, vidéo, intelligence artificielle, réalité augmentée… Au delà du simple maintien de l’événement, la promotion a imaginé une nouvelle forme d’exposition lors des Journées Portes Ouvertes.

“Nous avons ensuite mis en place une exposition virtuelle en partenariat avec le festival Recto VRso du salon Laval Virtual. Cette exposition a eu lieu dans le Laval Virtual World, un espace virtuel interactif dans lequel les étudiant·e·s du master ont pu exposer leurs travaux et rencontrer le public par avatars interposés. Nous avons également mis en place un système de captation, afin de streamer en temps réel dans le Laval Virtual World les performances ayant lieu sur les plateaux du PNRV. Enfin, nous avons mis en place un site web, plus accessible, pour exposer nos recherches.” Johan Julien, Master Création Numérique


 

Pour les bénévoles de la Galerie Art & Essai, l’année a été particulièrement chamboulée comme le révèle Elise Léger, responsable du pôle communication de la Galerie Art & Essai : “Avec le changement du directeur artistique et de l’équipe de vacataires, il y a eu beaucoup de choses à faire évoluer (charte graphique, cahier des charges…).” En raison de la fermeture de l’université, deux expositions ont dû être annulées ou reportées. Les mesures sanitaires ont également perturbé le reste de la programmation : "Pour la première exposition ainsi que pour le workshop des L2 Arts-Plastiques*, nous avons dû mettre en place un système de réservations et d’inscriptions par mail, afin de contrôler le nombre de visiteurs (pas plus de 20 dans l’espace). [Une activité] Beaucoup moins spontané[e] que d’habitude, mais au moins, nous avions des visites."

*Le workshop mené par l'artiste et architecte Etienne Delprat fut l’occasion pour les étudiant·e·s de rompre la distance sociale et institutionnelle qui les séparaient depuis plusieurs semaines. Dans le cadre d’une œuvre collaborative et artistique, les participant·e·s étaient invité·e·s à réparer les liens qui les unissent, à travers la réparation de chaises lors d’ateliers imaginés comme des rendez-vous de partage et d'échange.

Malgré des conditions difficiles, l’équipe de la galerie s’est adaptée pour préserver le lien avec son public et a proposé de nouvelles façons de partager expositions et collections : “Nous avons instauré le #CultureChezNous, entre mai et juin, qui rassemblait les coups de cœur des bénévoles pour les expositions passées : chaque semaine, durant 8 semaines, était consacrée à une exposition coup de cœur.”

Les bénévoles se réjouissent aujourd’hui de pouvoir accueillir à nouveaux des visiteurs au sein de la galerie pour la dernière exposition de l’année, Juste un [mo] dont le commissariat a été réalisé par les coordinateur·rice·s étudiant·e·s de la Galerie Art & Essai, Alexandre Fillon et Victoria Quesnel.

Un premier bilan

Derrière toutes ces initiatives pour “maintenir à flot” la culture à l’université, on peut se réjouir de la capacité du collectif face à l’adversité. Si cette période fut difficile et douloureuse pour la vie sociale et la vie culturelle qui en fait partie, elle a aussi conduit à des initiatives positives.

À l’image du nouveau thème choisi par Fac@Fac, “le rebond”, l’équipe s’est battue pour faire survivre l’art de la danse dans des conditions hors-normes. Cette édition en ligne fut l’occasion pour le festival d’étendre son public et ses intervenant·e·s : “D’habitude notre public vient exclusivement d’universités en France, et les artistes sont exclusivement des danseur·se·s et chorégraphes rennais·e·s.”

Si Léna Rolland rappelle la complexité et la difficulté d’organiser un événement dans un tel contexte, elle y a également vu une forme de défi à relever et des perspectives pour l’année à venir :

Nous avons dû tout revoir, tout réinventer, mais c’était aussi une forme de défi plutôt agréable. Nous avons réussi à avoir un public présent à nos événements en ligne (50 participant·e·s pour le workshop de la danseuse Marie Bugnon). La programmation était riche et nouvelle, nous avons réussi à attirer beaucoup de public et de différents horizons, âges et professions. Il est fortement possible que même si le festival de l’année prochaine se fasse en présentiel, nous proposerons quand même un évènement digital afin de continuer à ouvrir Fac@Fac à de nouveaux horizons.

Cette année a été l’occasion pour les étudiant·e·s du master Création Numérique de réfléchir à une nouvelle manière de présenter leurs travaux au public, et ainsi démocratiser l’accès à des étapes de recherches en cours dans le domaine peu connu de l’art numérique. Ils ont ainsi pu expérimenter de nouveaux dispositifs de médiation et toucher un public plus large.

Un autre point positif émerge de la réorganisation des différentes structures : une prise de conscience de l’importance de la culture dans nos vies, notamment dans sa dimension collective. “Je dirais qu’il y a eu un approfondissement/accroissement d’amour pour la culture et le cinéma, car c’est quand on est privé de quelque chose qu’on se rend compte à quel point elle nous est importante, indispensable. Il nous a paru évident que nous allions nous adapter et partager notre contenu d’une autre manière. Donc cette capacité rapide à réagir nous a montré à quel point nous étions motivé·e·s et passionné·e·s par ce que nous faisions. C’est pour moi le plus gros point positif, même s’il est invisible.”
- Marion Drouault, membre des ateliers du Ciné-Tambour

Mais toutes et tous sont unanimes : rien ne remplace la véritable rencontre entre les acteur·ice·s de la culture et son public. Si le Ciné-Tambour est parvenu petit à petit à capter son audimat à force de tests et d’expérimentations, le partage, les échanges, les ressentis n’ont pas la même saveur. Pour Hugo Goby, “Ces expériences me confirment qu’il est primordial de maintenir les dialogues sur les œuvres artistiques, que l’appréciation commune dans la salle du Tambour est plus qu’un luxe de visionnage et qu’il est déterminant pour la bonne appréciation des œuvres qui composent la programmation.”

L'engagement culturel, vecteur d'épanouissement

Que ces actions culturelles soient menées dans le cadre pédagogique ou associatif, on ne peut réduire ces activités à la sphère du loisir, à des activités ludiques parallèles aux études et sans aucun lien avec la formation. Elles sont un pan essentiel des politiques culturelles publiques dans la mesure où elles sensibilisent, forment et mettent en responsabilité les étudiant·e·s avant l’entrée dans la vie active. Pour les un·e·s, c’est un prolongement de l’éducation artistique et culturelle qu’ils ont connue dans leurs familles ou à l’école ; pour les autres, c’est une découverte et une condition pour une vie étudiante plus épanouie et mieux intégrée.

Cet investissement culturel souligne le désir qu’ont les étudiant·e·s à continuer d’œuvrer ensemble au maintien d’une offre artistique qui s’est révélée primordiale dans cette période d’isolement : “Depuis le début de la période Covid, j’ai eu l’occasion de participer à l’organisation de 3 expositions (2 sur le campus avec le master et une au 4Bis avec mon association Contrast), ainsi que plusieurs workshops de création. Ces moments ont été très importants pour moi et m’ont permis de rester motivé. Ma participation aux activités culturelles du master m’a permis de sortir, de garder le lien avec mes collègues et de garder une activité stimulante. Cette stimulation m’a fait le plus grand bien dans une période difficile d’isolement et de télétravail redondant.”
- Johan Julien, étudiant en master 2 Création Numérique

 

“J’ai d’autre projets (sans aucun lien avec la culture) pour mon avenir professionnel, donc c’est plutôt la préparation à ces projets qui m’a aidée à traverser cette période, mais le fait de savoir que notre toute dernière exposition de l’année universitaire, Juste un [mo], allait pouvoir se faire et être ouverte au public, ça faisait bien plaisir et c’était assez encourageant pour la suite.”
- Elise Léger, responsable communication Galerie Art & Essai

 

“L’atelier du Tambour a été primordial dans le maintien d’un lien social, et créatif par le biais de visioconférences où nous avons passé quelques heures à discuter d’une possible programmation pour la rentrée.”
-
Hugo Goby, membre de l’atelier Ciné-Tambour

 

Bien sûr cet article n’est pas exhaustif, et nous souhaitons remercier toutes les personnes ayant contribué à nos côtés, de près ou de loin, à faire vivre la culture à l’université en ces temps difficiles. Nous félicitons les associations et formations qui s’expriment et offrent une tribune et une assistance aux porteur·euse·s de projet et... celles qui accompagnent et forment rêveur·se·s et artistes.

Un grand merci pour leur contribution à Elise LÉGER, étudiante en master 1 Histoire de l’Art, spécialité Restauration et Réhabilitation du Patrimoine Bâti, Hugo GOBY, étudiant à Rennes 2 en 3ème année de licence Art du spectacle, Johan JULIEN, étudiant en deuxième année de master Création Numérique, Léna ROLLAND, étudiante en licence 2 d’Arts Plastiques, Lucas PROST, étudiant en licence 3 Arts du Spectacle Parcours Études Cinématographiques et Marion DROUAULT, étudiante en licence 3 Arts du spectacle, parcours Cinéma.

 

Rédaction : Clara Guichard

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