Vous avez présenté Ohanami au Tambour en janvier. Pouvez-nous nous parler de cette pièce ?
Melvin Coppalle Dans un premier temps, il semble important de préciser que ma danse s’inspire du butô, danse contemporaine japonaise des années 60. Néanmoins, je tiens à souligner que ma formation aux mouvements et au corps en jeu a tout d’abord débuté par les arts martiaux que j’ai pratiqués pendant dix ans (kung-fu et Aikido). Ohanami est mon tout premier solo que je présente dans un cadre professionnel et en salle. Avant cela, je présentais surtout des formes hors-salle ou dans la rue. Ce nom, Ohanami, désigne ce temps où l’on va contempler l’éclosion des fleurs de cerisiers. Selon moi il s’agit également du passage entre la naissance et la mort. L’éclosion est belle parce qu’elle nous évoque indubitablement le caractère éphémère de celle-ci.
Ce solo, qui dure 45 minutes, se découpe en six tableaux ayant leurs univers propres, et racontant une histoire différente. Je me suis beaucoup inspiré de thématiques qui viennent nourrir constamment ma danse : la vieillesse, l’enfance, les tensions et dialogues entre virilité et féminité, la métamorphose… Autant de notions qui me traversent et me fascinent.
Entièrement maquillé de blanc, je présente sur scène un personnage à l’allure très marquée. Cet être est comme une page blanche sur laquelle tout vient s’inscrire et s’effacer. Il est à la fois la personnification de la séduction puis de l’érosion mais aussi du vacarme et du chaos qui, je crois, nous habitent tous dans une certaine mesure.
De tableau en tableau, le spectateur est invité dans un voyage contemplatif, fabriqué à l’aide de références à la mythologie japonaise, mais pas seulement… On y retrouve aussi la voix, celle d’une diva que j’interprète de manière très parodique. Il était primordial pour moi de mettre en scène le corps dans son entier, des ongles aux cheveux, des pieds à la langue… Dans ma danse, je souhaite tout mobiliser, chaque parcelle du vivant devient un outil à danser. Et chaque mouvement se doit de faire transpirer la vie à travers moi. C’est en tout cas le point de départ de chacune de mes créations : témoigner de la formidable pulsion de vie.
En tant que jeune artiste, que cela représente-t-il de jouer sur le campus où vous avez fait vos études ?
M. C. Ça a beaucoup de sens en effet... Mes deux années de master m’ont donné une opportunité de plonger intensément dans la recherche concernant la danse butô et d’en retirer les enseignements. C’est presque une manière de conclure cette recherche que de danser dans le lieu où tout a pratiquement commencé finalement… J’ai étudié là et maintenant j’y danse… En ce qui me concerne, je ne crois pas qu’il y ait meilleur moyen de dire « au revoir » à un lieu que d’y danser !
Comment votre formation en arts du spectacle est-elle venue nourrir votre recherche artistique personnelle ?
M. C. En arts du spectacle, on nous apprend très vite à devenir curieux de tout… À découvrir le plus de spectacles et donc d’univers artistiques différents (et on nous en donne les moyens !). Mon bagage universitaire m’a beaucoup aidé à structurer mes propos, à comprendre et verbaliser mon esthétique. La chose aurait pu rester très spontanée, mais, aujourd’hui, on demande beaucoup à l’artiste de faire un véritable travail d’analyse sur ses productions… Je rajoute que ma rencontre avec Brigitte Prost, maître de conférences à Rennes 2, m’a également beaucoup apporté. C’est certainement la première personne (hormis ma famille) qui m’a fait confiance et a pris des risques pour défendre mon travail artistique.